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Copain d’avant

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Copain d’avant

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Copain d’avant

Il y a des jours comme ça. Il suffit de se balader dans la seule allée désertée de la Fiac, au Grand Palais, pour tomber sur un copain de lycée, jamais revu depuis l’année du bac. « On s’était dit rendez-vous dans dix ans… » : on était hors délai. Gilbert Kann a donc fréquenté le lycée Montaigne, le bahut pourvu de l’une des plus belles vues de Paris, puisque sa façade donne sur le jardin du Luxembourg : le « Luco » comme on dit quand on grandit dans le quartier. C’était l’époque des cardigans à pressions Agnès B, des premières Weston d’occase, des 33 tours de Bowie échangés en cours de Physiques, des concerts de Dires Straits et des Cure, du café à 5 francs pris sur les banquettes défoncées du Bac, boulevard Saint-Michel. Croiser un « copain d’avant », c’est tout ça qui subitement remonte à la surface. Puis, suit l’inévitable question : « tu fais quoi, maintenant ? » « Je suis personal shopper - je déteste cette appellation ! -, pour l’acquisition de pièces de mobilier du XXe siècle. Je travaille pour des particuliers et de grandes marques de luxe. »

A 12 ans, il préfère la lecture de Domus à celle de Pif

Fils de médecins passionnés par le mobilier des arts décoratifs, dès ses 12 ans, il préfère la lecture de Maison Française et de la revue Domus à celle de Pif, qu’il laisse à son frère jumeau. Une fois son bac en poche, son intérêt pour le dessin l’entraîne sur les bancs de la Sorbonne, où il décroche un DESS de géographie et cartographie. Mais, lors d’un stage à l’IGN, où il ne côtoie que des matheux, il bifurque. Sa formation en parallèle au sein d’une école d’arts appliqués lui permet de décrocher un premier job de directeur artistique pour une société liée au câble. Vont suivre la création d’une agence de com’, la réalisation du logo d’une chaine de télé, le rachat de sa petite boîte par une bien plus grosse, qui lui confie alors la direction artistique de sa branche entertainment. Mais quand Gilbert Kann propose de faire la promo de Sardou avec des photos du chanteur en train de sourire, il est le seul à y voir pertinence, audace et humour… Des « valeurs » communes à bien des élèves de Montaigne dans les années 1980. Ce que Gilbert Kann appelle aujourd’hui, en se marrant, « la force Montaigne ».

« J’ai emmené des stars du foot chiner aux Puces »

A la fin des années 2000, c’est en suivant des marchands d’art, lors d’une échappée à Los Angeles, qu’il a l’idée de créer le guide Paris Design. Une brochure qui recense les meilleures adresses, selon lui, pour trouver des pièces de mobilier d’architectes et de créateurs du XXe siècle. Le parti pris plait. Les palaces parisiens veulent le guide - diffusé à 35 000 exemplaires - dans leur conciergerie et son auteur pour accompagner certains clients dans leurs emplettes. Une nouvelle vie commence pour Gilbert Kann. Ses conseils, son œil, ses choix, son indépendance font vite le tour de Paris. « J’ai emmené des stars du foot chiner aux Puces, dans ma Fiat 500. » Paul Bert-Serpette est son terrain de jeu et sa Fiat blanche, un modèle de 1969. Autre de ses faits d’armes : on lui doit la mise en scène, « comme dans un appartement », de pièces de mobilier des arts décoratifs du XXe à travers tout le Bon Marché. Grâce à lui, on peut faire une pause, entre deux achats, sur une assise de Pierre Guariche et choisir des souliers (ex)posés sur des tables en provenance du Futuroscope.

« J’ai récupéré un bureau signé à la Maison de la Radio »

« Je continue d’aller à L’Arsenal pour m’informer sur l’urbanisme et l’architecture. » Gilbert Kann est également intarissable quant aux dégâts des cités-dortoirs sur notre société. Une vision d’ensemble sur notre environnement qui le rend différent d’un simple marchand « détaché des pièces qu’il achète et vend ». A la fois observateur, curateur, collectionneur, chineur et dénicheur - « j’ai récupéré un bureau signé d’un décorateur d’après guerre à la Maison de la Radio » -, il sait s’affranchir de certains codes, refuser les modes, s’écarter de la facilité. Ça rassure. Le temps est passé, mais il a la même spontanéité qu’à 15 ans. Age auquel il sortait de Montaigne à 17 heures, fonçait à vélo jusqu’à la Cité U, pour voir les marchands récupérer des chaises de Prouvé « que l’on jetait par la fenêtre ».

 

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